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Installations d'art en papier du Musée de Charmey au Château de Marnand

Début mai, grâce à la collaboration du Musée de Charmey et du Château de Marnand, 20 œuvres d'art en papier sélectionnées ont été présentées au milieu d'intérieurs authentiques et de meubles d'époque. Alena Grigorash, spécialement pour le DEL’ARTE Magazine, a exploré les subtilités du charme du papier.
Les installations d'art contemporain en papier de la collection du Musée de Charmey s'intègrent harmonieusement aux intérieurs historiques du Château, peuplés de meubles Empire et d'objets de design moderne. Outre le papier, ce musée, important pour la région fribourgeoise, collectionne depuis plus de 30 ans des objets en bois et en céramique. Concernant le choix des matériaux, il est important de noter que depuis 1993, le Musée organise régulièrement des expositions internationales consacrées à l'art du papier — «Triennale internationale du papier» Le Musée de Charmey est la seule institution en Suisse à proposer ce type d'un programme régulier dédié à l'art du papier.

L'exposition au Château de Marnand présente des œuvres d'artistes majoritairement féminines, parmi lesquelles les œuvres suisses sont particulièrement intéressantes. Un livre enroulé de l'artiste suisse Marie-Claire Meier. Composé de papier recyclé, de pâte de lin, d'argile, de cendre et de pigments, cet objet prend l'apparence de la pierre. Il invite à une réflexion sur les protoformes et la préhistoire de l'art contemporain du papier. L'artiste décrit son travail comme une alchimie, une tentative de dépasser les limites de la matière, pourtant imprégnée de la mémoire culturelle des mots et des signes.

L'artiste suisse Viviane Rombaldi Seppey aborde le thème de la mémoire d'une manière totalement différente, avec deux vases tissés à partir de bandes de papier. Ces formes sont des réceptacles symboliques pour la mémoire des voyages et des espaces à remplir métaphoriquement.
Un monde en soi Cartes routières. Viviane Rombaldi Seppey @ Daria Neuhaus
Mais bien sûr, avec un respect particulier, le musée expose des œuvres de l'artiste Viviane Fontaine, notamment des bols en papier végétal, fabriqués à partir de fougères, de trembles et d'orties. Viviane Fontaine a collaboré avec le musée pour créer cette Triennale à Charmey. Après des études à Genève et au Japon (d'ailleurs, l'œuvre de son professeur Torimatsu Hara est également exposée : une peinture en pâte à papier), Viviane Fontaine a commencé à fabriquer son propre papier à partir des plantes qui entourent son atelier en Gruyère. Ses œuvres, réalisées à partir de plantes et dédiées aux plantes, traitent de l'alchimie du cycle naturel de la vie. Ses vases en papier sont des capteurs de lumière fragiles et élégants.
Viviane Fontaine @ Daria Neuhaus
L'exposition présente également la lauréate de la 4e Triennale en 2002, l'artiste allemande Hiltrud Schaefer, qui, en créant une figure humaine en papier japonais, nous rappelle la fragilité du corps humain.
Homme. Hiltrud Schaefer @ Daria Neuhaus
L'Amérique et le Danemark sont également représentés. L’interprétation moderne du papier en Asie est des plus intéressantes. Ainsi, l'exposition présente des briques de lait découpées en fils fins par l'artiste japonaise Mari Kamei. En revisitant l'ancienne technique de l'origami, l'artiste et joaillier anglais et chinois Qiang Li crée un collier suspendu tridimensionnel, rappelant au spectateur européen les motifs floraux de la bardane de l'époque Art nouveau.

Si l'on évoque la rencontre entre paysage et extérieur avec l'art du papier, un parchemin suspendu de l'artiste français Dominique Rousseau, inspiré de l'écume de mer, attire l'attention. L'artiste canadien Michel Gautier, quant à lui, se tourne vers la forme d'un totem en coton, avec le concept « Je dois penser différemment » – en plusieurs langues – qui nous invite à regarder le monde avec ironie, tel un vieux chaman.
Je dois penser différemment. Michel Gautier @ Daria Neuhaus
On est véritablement surpris de constater qu'à haute température, le papier ne brûle pas, mais se transforme en pierre. L'artiste Yohei Nishmimura en parle dans son ouvrage « Un dictionnaire japonais ». Pour cela, il a choisi de cuire du papier dans un four à céramique à 1 200 degrés, afin d'explorer expérimentalement le sens littéral du mot « Yaki Mono », qui signifie « chose cuite » en japonais. Le papier se transforme en pierre, se débarrassant des textes et des images.

Toutes ces installations s'intègrent harmonieusement à l'intérieur du château, qu'il est tout aussi intéressant de découvrir. Ce complexe architectural est un espace composé de plusieurs bâtiments, chacun possédant sa propre singularité et son propre destin. Récemment, le château est devenu la propriété de Luca Bizzozero et de sa famille, qui ont déjà remporté la 3e place du Prix européen du Jeune Entrepreneur du Patrimoine de l'Année 2025.
Château de Marnand @ Dylan Perrenoud
La propriété appartenait à la famille Villarzel au XIIIe siècle. À la Renaissance, elle fut acquise par le docteur en droit lausannois Étienne Loys. Les premières traces de l'ancien château remontent à 1628. Le Château, où vous pouvez voir l'exposition, date de 1699, construit en face de l'ancien bâtiment sur ordre de Johannes Müller. Au cours des siècles suivants, le Château passa de main en main, jusqu'à ce que Charles François Troyer y ouvre en 1882, dans l'esprit du développement de la Réforme de la Vie, un Institut pour jeunes filles. Sa fille Marguerite Debonneville fut l'initiatrice de nombreuses élégantes reconstructions ont eu lieu jusqu'en 1924. Aujourd'hui, le complexe attend de nouvelles transformations: des suites familiales et un studio sont prévus dans les bâtiments.

Le Château lui-même, de plan très simple, comporte deux étages, un escalier et un grenier. Parmi les détails anciens préservés figurent des cheminées, des moulures en plâtre et des serrures de portes datant des XVIIe-XIXe siècles.
Château de Marnand @ Dylan Perrenoud
Outre le plus grand bâtiment du complexe, on trouve le corps de garde, le Châtelet. Il s'agit probablement du plus ancien bâtiment du complexe, présentant des éléments historiques datant du XVIe au XIXe siècle, notamment des plafonds, des fenêtres et des portes, mais aussi une ancienne armoire.

Le Châtelet est le bâtiment le plus mystérieux du complexe à étudier, la Ferme à six travées de 1786, conçue par l'architecte bernois Karl Ahasver von Sinner, est l'un des plus grands bâtiments ruraux de la région, avec ses 560 m². Un détail remarquable de l'intérieur, conçu dans le style allemand, est l'utilisation du grès de Molière. Aujourd'hui, on y trouve non seulement les écuries et les entrepôts, mais aussi un atelier de menuiserie.

L'atmosphère du château est encore calme et radieuse, comme sur les cartes postales de l'Institut pour jeunes filles, où elles se promènent tranquillement, parapluies aux pieds, à l'ombre des arbres, sur fond de murs clairs du chalet, dont le plan, semble-t-il, a été esquissé sur papier par Pierre Vuillaume avant-hier seulement.
Journalist: Aliona Grigorash

Cover: Château de Marnand @ Daria Neuhaus
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